Yvonne CALSOU : 9 semaines, 3 jours et 6 nuits

Discours prononcé à l'occasion du vernissage de la résidence de l'artiste Yvonne CALSOU le 13 décembre 2014



Lorsque la directrice des Ateliers des Arques m’a contacté en novembre 2013 pour me proposer un projet de résidence d’artiste à l’EHPAD, j’ai trouvé l’idée extraordinaire. Cela m’est apparu comme étant un moyen de matérialiser et de rendre perceptible pour un public extérieur la richesse et la profondeur de ce qui se joue sur le plan humain dans une structure telle que la notre.

 

Peu de gens perçoivent en effet ce qu’est un EHPAD car en fait peu de gens nous regardent. Soit on ne pose pas de regard du tout (la vieillesse n’est pas glamour), soit c’est un regard tronqué, et souvent très terre à terre. Nous sommes pour certains une solution pratique, pour d’autres un problème financier, voire même tout simplement un coût au sens cru du terme.

 

Il y a donc dans notre société une méconnaissance incroyable de ce qu’est la vie dans nos établissements. Il faut se représenter, un lieu où le sens humain prédomine, un lieu ou s’exprime une nature humaine sincère, libérée du consumérisme. On quitte le superflu pour revenir à l’essentiel. Il ne faut pas se méprendre pour autant, l’essentiel, ce n’est pas simplement la toilette, le repas et les normes sanitaires, ce n’est pas que la ration et le ratio… L’essentiel c’est aussi ce qui se tisse au quotidien, entre nous, ce que l’on se donne réciproquement et qui na pas de prix, des gestes, des paroles, des attitudes et des sentiments qui donnent du piment, de la saveur, un sens à la vie, et qui font que le résident est reconnu pour ce qu’il est avant tout : un être humain.

 

A l’heure sombre des restrictions budgétaires, certains seront tentés de dire que l’art relève ici du superflu. Quoi ? Une résidence d’artiste dans un EHPAD ! Qu’elle est l’utilité de tout cela ? Est-ce bien raisonnable ?

 

Un regard d’artiste est un regard éminemment humain. Et c’est peut être ce regard là qui est le moins porté sur nos établissements. Lorsque nous étions en travaux, en 2008, alors que je faisais remarqué à un ouvrier qu’il avait posé des appliques de travers, et que ce n’était pas esthétique, je me suis entendu répondre : «Mais qu’est-ce que vous en avez à faire ? C’est pour des vieux !

 

Le vieux serait donc déshumanisé ? Exclu du beau, de l’émotion, et donc de l’art ?

 

Est ce un postulat acceptable ? Les parents souhaitent le meilleur pour leurs enfants. Et nous, que souhaitons nous en retour pour nos parents ? Nous ici, nous leur souhaitons de participer à des aventures comme celles que nous avons vécues dans le cadre de cette résidence d’artiste. La curiosité, la découverte, la joie de participer aux ateliers et d’être créatifs.

 

L’œuvre réalisée ici par Yvonne CALSOU est un témoignage de ce que nous avons tant de mal à faire savoir, que l’EHPAD est un lieu où la vie est vraie, un lieu ou les rapports humains sont parfois d’une intensité incroyable. C’est aussi une œuvre de mémoire, une marque dans le temps, là où tout passe, là où tout file, là où tout s’efface…

 

Cette œuvre de mémoire est nécessaire pour nous dire que si, par choix politique, où par contingences économiques, nous en venions à oublier la dimension humaine de nos établissements, alors, un jour où l’autre, nous finirons par oublier aussi notre propre part d’humanité.



                                                                                                                                                                                         Pascal CORNIOT





Le vernissage à l'EHPAD de Catus

Les encres réalisées à l'EHPAD

Le vernissage aux Arques